Labybliothèque, détail, collage de photographies en noir et blanc sur support rigide, 80 x 80 cm, 2013.
Exposition collective « Entre thèses ; la solitude du thésard » ; au CP5, Paris 18ème, du 29 avril au 25 mai 2013.
© Fanny Fa
Labybliothèque…
De l’idée à l’image, de l’image aux mots. Des mots pour dire différemment les images, pour les repenser. Plaisir du vertige qui apparaît face aux multiples pistes qui s’ouvrent devant mes yeux, pleines de ramifications et de bifurcations. Choisir un chemin, commencer à marcher. Regarder à côté, biffer, se décaler, se sentir mieux placé. Avancer, souligner, continuer. Éclairer à l’aide d’une lumière un tout petit peu différente. Éteindre, rallumer, changer d’angle. Se retourner pour mieux ré-affirmer. Tout balayer. Recommencer. Tâtonner, beaucoup. Trop.
Les mots sont des graphes. Les graphes sont des labyrinthes. La recherche est une errance. Ma thèse devient un parcours d’endurance. Solitude au milieu d’une foule…
Ce ressenti devient physique lorsque je travaille à la bibliothèque. Prendre le train, lignes de rails, lignes de câbles. Passer par le jardin, lignes d’arbres, lignes des chemins. Arriver, enfin. Livres en enfilade, succession des ouvrages, lignes de perspective. Seule mais noyée dans le nombre. En silence. Horloge, temps : rebrousser chemin et remonter les mêmes lignes. Le cheminement de ma recherche se superpose à celui de mon parcours : labybliothèque.
Les mots et les images sont des chuchotements solitaires. Pour qu’ils deviennent art, il faut une forme de courage. A un moment donné, arrêter de faire demitour : poser, crier quelque chose. L’art existe parce qu’il devient visible, partageable. Il a besoin de multitude(s) et d’autonomie. Il a besoin de ré appropriation, surtout.
Aujourd’hui, les grands principes de Dewey et Kaprow ont fait des petits : si notre société n’est pas (encore ?) celle de l’homo ludens, l’art et la vie se sont un peu confondues. La ville est parcourue de murmures, des fragments d’art éveillent notre quotidien. Des images sur les murs, des mots bien choisis surgissent au détour des rues, recoins insolites ou bêtement logiques. Notre ordinaire est décalé en parenthèses différentes, anormales. Voir la ville autrement. Ou pas, chacun pour soi. Mais le partage est possible pendant quelques instants…
Parce que l’art est nomade, il peut monter à l’assaut de la ville et se ramifier faussement discrètement. De la solitude au partage, du murmure au hurlement. L’art contemporain est arachnéen.